14 Janvier 2017
(Traduit du néerlandais par Anne de Waele, revisé par Claire Bohon et )
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On s'imagine L’Europe comme un berceau. Mais de quoi?
Il y ceux qui réduisent l'originalité du vieux continent à l’impérialisme, au racisme, à l’exploitation. Mais il y a eu tellement de conquérants, d’exploiteurs, d’impérialistes, près de chez nous et plus loin.
Le berceau de la science et de la liberté individuelle peut-être? D'une part, les anthropologues vont vous contredire ; d'autre part, il y a depuis des pays qui, dans ce domaine, nous dépassent.
Le berceau de l’amour alors? Si cela fait allusion au christianisme, nous savons que c'est une religion qui n’a pas commencé en Europe, et qu'il a connu des apogées culturels en dehors de l'Europe.
De quoi alors, notre Europe est-elle le berceau?
Nous croyons qu'il n'y a qu'une réponse satisfaisante: l’Europe est le berceau de la politique. L’Europe se définit comme la prolongation d’un moment culturel où s'invente (se découvre si vous voulez) la politique comme domaine d'activité humaine à part entière. Ce moment culturel s'appelle la Grèce Ancienne (dont Rome est déjà une prolongation). La Grèce Ancienne nous a donné le concept de polis (prolongée par le concept de res publica et bien d'autres).
Rien de plus frappant que, de nos jours, justement la politique incite des sentiments de dégoût. Remarquons qu'elle cause ces sentiments pour autant qu'elle est réduite à quelque chose de dégoûtant. Cela varie selon celui qui s’exprime :
- pour le travailleur, les hommes politiques veulent s'enrichir, rien de plus ;
- pour l'intellectuel de gauche, ce sont les multinationales qui décident tout ;
- et puis il y a le commerçant, qui grince des dents en disant : nous sommes la vache à lait du gouvernement.
Et puis il y en a beaucoup d'autres. Ce n'est pas la peine de passer toutes les couches sociales en revue. Notons que toutes partagent surtout le mépris pour la politique en tant que telle.
Donnons à cette attitude un autre nom que ‘antipolitique’. Le concept de ‘soustraction’ vient de la philosophie française contemporaine. Nous l'employons pour indiquer une tendance, une mentalité – celle de se soustraire aux opinions de l’Autre politique – l'adversaire idéologique - comme on se détourne de quelque chose de sordide – excréments, fluides corporels, processus viscéraux.
Quel est cet aspect sordide de la politique ?
L'activité politique implique au moins les notions de pouvoir, d'intérêt personnel et d'hégémonie. On exerce toujours déjà du pouvoir. Il y toujours déjà des différences de pouvoir. Il y a toujours un équilibre du pouvoir qui est en train de fondre, ou en train de s’établir. On ne peut savoir de quelle relation de pouvoir il s’agit et à quel point cette relation est stable, qu’en y participant. Autrement dit, on ne peut savoir comment cette relation est structurée, comment elle fonctionne, quel sens elle prend, quel sens elle devrait prendre, qu'en exerçant son pouvoir dans cette situation, à partir d'intérêts qui vous enchaînent à cette situation.
La politique n’est jamais pure, jamais claire, jamais univoque; contrairement à la foi, à la science, à la philosophie, à la morale. Le pur et l'impur font partie de la même vision, ils se définissent mutuellement. Par exemple, dans la religion (le monothéisme en particulier) la réalité est une hiérarchie: tout en haut, l'ultime, le bien en soi : Dieu; tout en bas, la basse réalité, le sordide. Le monothéisme a tendance à penser que ce qu'elle considère être le bien est le réel, qu’il faut simplement reconnaître ce réel. Les Dix Commandements expriment une réalité spirituelle, plus fondamentale que l'ici-bas : l'immanence. Ce schéma revient dans les attitudes politiques de certaines progressistes, cette fois-ci à partir d’une utopie sociale par exemple. Pour ces soustracteurs le bien est connu, dans l'au-delà ou dans le futur, et nous n'avons qu'à juger l'actualité à partir de cet idéal. Les conservateurs eux aussi sont dans la soustraction quand ils jugent le présent à partir d'un passé idéal.
N'importe quelle soustraction baigne dans une pureté qui se définit par la soustraction vers le contraire des excréments, des fluides corporels, des processus viscéraux – qu'elle soit de gauche ou de droite, qu'elle soit religieuse ou laïque.
2.
A ce moment-ci, en Europe on est témoin d'un cas plutôt spécial de soustraction : l'Union Européenne.
Nous sommes au beau milieu d'une des structures socio-économiques des plus impressionnantes qui émergent dans le monde. Provisoirement l’Europe se compose encore d’Etats. Mais, au-dessus de ces Etats, survient l'UE. L’UE n'est pas un Etat, et dans le même temps les Etats perdent de leur autorité. Cette ambiguïté est dangereuse : ni l’UE ni un Etat spécifique ou un groupe d’Etats ne représentent l’Europe.
L’UE est l’exemple le plus préoccupant de soustraction parce son existence se justifie principalement par la technocratie.
Jusqu’à un passé récent, c’étaient les Etats qui avaient officiellement et par principe le pouvoir. Leurs constitutions garantissaient cette souveraineté. Les Etats étaient un point de référence, une surface de contact élémentaire pour la vie sociale interne et externe. Depuis des décennies, j’entends la rengaine qu’un déplacement du pouvoir des nations- Etats vers l’UE est inévitable. C'est du genre TINA : 'there is no alternative.' On justifie cet état de chose par deux raisons, l’une matérielle, l'autre morale. (1) Afin de maintenir notre prospérité à niveau, il faut harmoniser et surtout libéraliser. Les limites sur l’excédent budgétaire doivent être inscrites dans la constitution. (2) Afin d’éviter que, de nouveau, un fasciste ou un nouveau Napoléon n’arrive au pouvoir, afin d'éviter les guerres internes, la moindre revendication ou affirmation d’une identité nationale est immédiatement qualifiée de fascisme.
Cela nous mène vers des questions évidentes : transférer le pouvoir…à qui, à quoi ? C’est peu clair. Depuis 2008 on sait que, puisque à part l'addition récente sur les budgets, les articles originaux des constitutions sont ignorés, l'UE identifie l'Europe à quelques banques systémiques.
Quand on ose le signaler, les technocrates craignent le pire. L’attitude crispée vis-à-vis de la discussion et des divergences d’opinion est remarquable. Ce qui saute aux yeux de manière évidente est leur façon d’imposer leur volonté par-dessus la tête et derrière le dos des citoyens.
Le camp en faveur de l’UE est une alliance de deux groupes: les technocrates néo- libéraux et les intellectuels progressistes bien intentionnés. La motivation des intellectuels bien intentionnés pour participer quand même à cette immense centralisation du pouvoir est basée sur une idée. Un philosophe français l'exprime ainsi :
“Etre de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi: être de droite, c’est l’inverse.”
Autrement dit, on est plus ou moins de gauche quand on agit à partir de la totalité et pour la totalité et cela implique le fait de faire abstraction de nos propres intérêts , de saisir chaque problème du point de vue de la justice sociale, d’y impliquer les droits des minorités, etc. Le camp contraire est justement associé à tout ce qui implique les intérêts personnels : problèmes au boulot, au ménage, dans sa rue - trop mesquins pour les bobos, a priori une pente glissante vers la xénophobie.
Prendre position pour ou contre une structure aussi macro-sociale que l'UE est alors, semble-t-il, un cas évident de gauche contre droite.
Face aux critiques sur les bobos, la gauche caviar, 'de linkse kerk', les clercs benoîtes (de Pim Fortuyn à Bart De Wever, d’Alain Soral à Thierry Baudet, d’Eric Zemmour à Tomi Lahren) en boucle depuis quelques élections récentes, pour un ressortissant d'un milieu gauche-progressiste flamande, que je suis (est-ce qu'on échappe jamais à son milieu ?), il m'a semblé plus séduisant de faire une critique immanente de la gauche. Qui plus est, par rapport à l’insuffisance de la gauche vis-à-vis des problèmes actuels … il ne faut vraiment pas flotter sur le courant des coupes sombres de la droite contemporaine pour se rendre compte qu’il y a quelque chose qui cloche.
Soyons bref. Que ce soit dans une famille, une ville, une entreprise, dans une ASBL, au parlement, lors d’un procès, à une manifestation sportive – je vous fais le défi de trouver des exceptions non triviales – dans toutes ces situations et beaucoup d'autres, on fait de la politique.
Aussi bien les technocrates néolibéraux que les sentimentalistes moraux sont de mauvaise foi. Ils veulent exercer du pouvoir (et parfois le pouvoir) - ce qui veut dire : exercer des forces dans les constellations de forces - sans vouloir l'admettre, à cause de ce que cela implique, plus spécifiquement : les axiomes de la politique déjà cités ci-dessus. Sans vouloir assumer que cela rend impur. La soustraction est intimement liée à l'angélisme – la belle âme (et c’est pareil pour la droite, mais c'est à eux de faire leur critique immanente).
Ce qu'on propose : une conclusion trop mondaine mais qui bouscule tout. On est tous toujours déjà en politique. ll y a partout et toujours déjà de la politique. N'importe quelle soustraction – que ce soit celle des bobos, des anti-bobos, des religieux, des technocrates ou des entrepreneurs Randien - est de mauvaise foi. Quand on les interpelle sur leur quotidien, sur leur histoire personnelle, il apparaît que tous et toutes sont souillés. Parce la politique se trouve là où des gens doivent collaborer à partir d'intérêts divergents dans des situations où se posent des problèmes. Pour surmonter les réflexes de soustraction, il n'y a qu'à être conséquent. C'est-à-dire, reconnaître qu'il y a une continuité ; qu'on est tous toujours déjà en politique ; qu'on est de mauvaise foi quand on juge les actions macro-sociales auxquelles on est invité à participer (par des élections par exemple) avec des principes qui ne s'appliquent même pas aux actions elles-mêmes.
Soyons conséquents.
3
Soyons conscients aussi. Du fait que cette impasse entre la gauche et la droite, entre les progressistes et les conservateurs n’est pas nouvelle. Et que ce n'est peut-être même pas une impasse.
En 1793, le souvenir de la Révolution encore frais dans la tête, le poète Schiller disait :
'Die Usurpation wird sich auf die Schwachheit der menschlichen Natur, die Insurrektion auf die Würde derselben berufen, bis endlich die große Beherrscherin aller menschlichen Dinge, die blinde Stärke, dazwischen tritt und den vorgeblichen Streit der Prinzipien wie einen gemeinen Faustkampf entscheidet.'
En français : 'Les usurpateurs de la tyrannie invoqueront la faiblesse de la nature humaine, les révolutionnaires se réclameront de sa dignité ; finalement la grande maîtresse de toutes les choses humaines, la force aveugle, interviendra et tranchera comme un vulgaire pugilat le prétendu désaccord des principes.'
Ceci se trouve dans la 7me lettre de Über die äesthetische Erziehung des Menschen. Les progressistes veulent plus d’Etat parce qu’ils veulent aider tout le monde. Les conservateurs veulent plus d’Etat parce qu’ils veulent contrôler tout le monde. Tous les deux instrumentalisent l'Etat pour imposer leur soustraction (aider les pauvres, les démunis etc., contrôler les terroristes etc.). (Remarquez que s’ils obtiennent tous les deux ce qu’ils veulent, l’Etat fait tout.) On ne se rend pas compte à quel point ces soustractions nous mènent droit vers la fameuse guerre de tous contre tous. Si on ne se considère pas comme faisant partie d'une arène où se joue un conflit réel d'une manière contrôlée, la discussion ne peut qu’ éclater, pour aller se projeter vers l'intervention d'une force aveugle : Jules César, Napoléon, Franco, Mobutu – la liste est longe, le refrain le même : sans l'intelligence d'organiser un degré de désordre, s’installe un ordre stupide.
Voici encore une conclusion essentielle de la critique immanente - qu'un rêveur, un poète, doit nous apprendre ! Schiller de son côté propose Bildung comme solution : des expériences partagées et une manière partagée pour gérer ces expériences. Une culture partagée donc. On trouve une idée similaire chez Ernest Renan quand celui-ci se pose la question Qu’est-ce qu’une nation? - ‘Une nation est une âme, un principe spirituel’.
Sans le partage constructif d’expériences et d’opinions, d’attitudes et de valeurs non triviales, la balkanisation menace la politique, la guerre civile dans la société est imminente.
Pour se rencontrer de nouveau dans l’arène politique, nous avons besoin de quelque chose qui peut nous servir de lieu de rencontre.
Existe-t-il un aspect du domaine social qui soit assez structuré et dans lequel des idéologies contrastantes peuvent se reconnaître? Quelque chose qui peut servir d'instrument pour faire de la politique de matière non naïve et constructive en même temps.
Que l’Europe cherche à inscrire ses critères pour le ménage financier dans la constitution des Etats-membres nous sert d'indice.
Pour quelqu'un de gauche le droit et la constitution, tout comme la séparation des pouvoirs, la laïcité, et autres concepts de la société bourgeoise, ne méritent pas vraiment notre attention, parce que ce ne sont que des effets secondaires, parce que ce n'est pas la vraie réalité. Les corporations, les multinationales, les banques systémiques, le secteur financier ont le pouvoir. Ils décident. Leur pouvoir est absolu, derrière chaque chose, tout événement.
Mais si le poids considérable d'un certain capital est, pour une société bourgeoise, la fin des fins, pourquoi se donne-t-elle tant de peine pour coloniser l’Etat? Si la constitution n’est que 'un bout de papier', pourquoi l'adapter?
Peu de situations sont si simples, si univoques qu’un groupe a le pouvoir total et que l’autre n’a rien. Persister dans cette histoire est un cas de soustraction.
Dans ma jeunesse nous vagabondions dans le sillage d'une tradition. Aujourd'hui nous nous sommes décidés d'assumer et gérer cette tradition. Une tradition qui s'appelle Europe ; à ne pas confondre avec l'UE. Cette tradition se définit non pas par l'impérialisme-oppression-racisme-etc., non plus par la liberté-rationalité-etc., et non plus par l'amour du prochaîn-l'agape-etc. ; elle se définit par l'invention de la politique et la pratique politique. Voilà le fil rouge des périodes et âges européens : le polis grec, la République romaine, les cités-Etats de la Renaissance, la Révolution française, même Mai ’68. Nous aurions plus d'Europe à condition d'apprendre à assumer et à gérer la tension entre intérêt personnel et intérêt général – à tous les niveaux, microsociaux et macrosociaux. Si nous réfléchissons de manière conséquente à partir de notre intérêt personnel illuminé, si nous réfléchissons à partir de notre propre situation, nous arrivons à la considération que nous devons bien mettre en balance ce que nous conservons et ce que nous jetons de cette culture bourgeoise dans laquelle nous nous trouvons toujours.
Ni la révolution, ni le marché libre, ni un Mai ’68 généralisé, ni la sharia ne peuvent jamais nous exempter de la lutte pour le pouvoir; de la recherche d’un équilibre de pouvoir dans une hégémonie existante. Si c'est ça, faire de la politique : exercer du pouvoir dans des rapports de force, il est important de savoir réfléchir à partir de sa propre situation, de savoir équilibrer soi et autre, interne et externe, intérêt personnel et intérêt général. Ses propres intérêts sont une manière évidente et a priori pour ressentir quelles sont l’essence et les exigences de cette situation. L’abnégation pour un plus grand ensemble, une fixation exagérée sur les injustices sociales et les minorités mène à la soustraction. On se blottit dans la pureté. Un dialogue non naïf et constructif sur les conditions secondaires de tout agissement social exige que nous vainquions notre aversion pour l’intérêt personnel. Pensez un peu à cette règle stricte qui vaut dans les avions quand on a besoin de masques à oxygène: mets d’abord ton propre masque et puis celui de ton enfant. C’est dans l’intérêt de l’enfant.
4.
La considération qu’on vient de développer – qu'on ne peut pas combattre l’antipolitique avec l’antipolitique - nous mène au sujet bourgeois des droits fondamentaux.
Observons de nouveau nos traditions, cette fois au cours d’une période plus récente que l’époque de la culture grecque.
Pendant longtemps le catholicisme a été au centre de la société. Toutes les dimensions de la vie sociale se trouvaient dans une structure solide. Tout avait sa place: une montagne, un écureuil, l’homme, les saints, les anges et, tout en haut, absolu et inexpugnable – Dieu. Chaque chose avait un lieu naturel d'après son essence : le noble et le serf, le religieux et le non-religieux etc. La liberté de l'homme ne servait qu'à pouvoir se décider de louer Dieu; les hommes étaient égaux tant qu'ils avaient comme principal destin de louer Dieu.
La modernité a renversé tout: 1) ce n’est plus Dieu qui est l'ultime réalité mais la matière; 2) Dieu est seulement dans nos têtes, il est une projection de l’homme, nous nous louons nous-mêmes. 3) Une Etat moderne ne se fonde plus à partir de droits naturels.
Un Etat moderne n’est ni la fondation en quelque chose d’absolu, comme Dieu, la race, le caractère national et plus que cela, ni une fondation dans le contraire de l’identité, le fameux combat de tous contre tous, le chaos pur. On reconnaît la possibilité du combat de tous contre tous. On lui donne une place. L’Etat organise le chaos au lieu de le subir. Cela s’appelle : faire de la politique avec des élections, des débats, des changements de pouvoir, des coalitions, des compromis, ouvertement et clandestinement, en public et dans le privé. La constitution rend le processus politique possible. Un Etat émane de la distinction que l’on fait entre le pouvoir et les personnes qui exercent le pouvoir. Le pouvoir se trouve chez le peuple mais le peuple n’exerce pas directement le pouvoir.
Grâce aux droits fondamentaux, cela vaut la peine pour les citoyens de signer un contrat social. Puisqu'un Etat est une tentative d’auto-fondation, le citoyen a tout intérêt à accepter un contrat qui contient autant de principes, lois ou structures qui rendent possibles un maximum d’auto-fondation.
En pratique l'auto-fondation se fait une fois et tout le temps. Elle se fait une fois, avec l'adoption d'une constitution. Elle se fait tout le temps, par le jeu politique qui est rendu possible par cette constitution. Un Etat est une auto-fondation autant qu'il réussi à organiser ses conflits internes. Chaque homme, chaque chose a une place à cause d'une interaction de forces, dont les structures étatiques bourgeoises, dont la constitution avec, entre autres, ses droits et ses devoirs. Ce n'est pas un 'ordo amoris', mais ce n'est pas du chaos non plus.
La réaction de droite contre l'UE - avec sa paranoïa devant le marxisme culturel - tend à l’antipolitique. Elle ne voit que le désordre. Les progressistes de gauche qui s'accrochent avec acharnement à leur Mai ’68 – le marxisme culturel -, tendent à leur manière vers l’antipolitique. Ils ne voient que de l'ordre. Mais la principale antipolitique ou soustraction est bel et bien la technocratie qui sous-tend la construction européenne. Elle ne voit plus rien, tant elle est repliée sur elle-même (un mauvais exemple d'auto-fondation).
Mais si nous mettons toutes ces tendances dans une arène – ceux qui nous écoutent savent ce que cela veut dire : si nous les rendons de nouveau ‘politiques’ - nous devons tenir compte du fait qu’ils se trouvent transversalement l’un sur l’autre. Selon un républicain comme Machiavel, de bonnes lois peuvent provenir de conflits durs. Pour Héraclite, la culture européenne ne sera jamais aussi authentique qu’à partir du moment où elle ose affirmer de nouveau: conflit est harmonie, harmonie est conflit. Vous pouvez visualiser cette idée à travers le fameux symbole en noir et blanc du taoïsme, le symbole du yin et yang; il n’est nulle part plus révélateur qu’en politique. Le noir et le blanc appartiennent au même cercle, ils sont complémentaires. Il y a un morceau de noir dans le blanc et un morceau de blanc dans le noir. Dans tous les conflits fondamentaux – pour ou contre : marché, migration, religion ... etc. - autant de luttes de pouvoir – ce sont les antagonismes qui tiennent la société ensemble.
Un dernier mot pour les personnes âgées parmi nous. La situation dans laquelle nous nous trouvons – l'UE et tout ce que ça entraîne – nous mène à une problématique spécifique, différente de celles d'autres moments-clés de l'histoire européenne : différente de celle du moment où les nazis ont pris le pouvoir au temps de mes grands-parents; différente de la question que mes parents se sont posée pendant Mai ’68 ; et différente aussi des questions que ma génération s’est posée lors de la chute du Mur. A aucun de ces moments il n’était pertinent de réfléchir spécifiquement sur les droits fondamentaux et la constitution comme nous allons faire aujourd'hui. Dans le temps il s’agissait plutôt de jeter des aspects de la culture bourgeoise. Maintenant nous devons faire l’inverse : la devise est de sauver, préserver, actualiser.
grave ...
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